Quelques grains de sable : L’art de la méditation

« La méditation constitue une démonstration concrète de techniques favorisant une augmentation de l'estime de soi.. » - Ken Wilber

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Extraits d'une entrevue avec Lynne Cardinal par Tanya Witteveen, pour sa maîtrise en Cinétique Humaine à l'université d'Ottawa.

Tanya : Lynne, pourriez-vous expliquer la façon dont la méditation fonctionne?

Lynne : La méditation traditionnelle sert à apaiser l'esprit, et à créer un sentiment de paix profonde à l'intérieur de soi. Grâce à la méditation, on retrouve un certain recul, une perspective différente, plus complète. Lorsque ceci est atteint, un nouveau type de conscience jaillit, un calme et une perspective qui pourrait échapper à un esprit hyperactif ou anxieux. Ken Wilber, un philosophe contemporain de renommée internationale, a dit : « La méditation constitue une démonstration concrète de techniques favorisant une augmentation de l'estime de soi." En effet, la méditation nous procure un sentiment sain de confiance en soi. Non pas de la supériorité, mais plutôt un sentiment d'acceptation et d'objectivité.

Lorsque nous entamons une pratique régulière de méditation, la première étape est de commencer à apaiser la suractivité mentale. J'aime utiliser l'analogie suivante pour décrire ce qui se passe en nous durant la méditation. Imaginez un aquarium rempli d'eau avec du sable au fond. Prenez un bâton, et brassez l'eau; vous verrez les particules de sable tourbillonner, embrouiller l'eau. Les particules de sable sont vos pensées, l'eau votre esprit.

En général, notre état d'esprit peut nous sembler embrouillé. On se lève le matin et nos pensées tourbillonnent : « Je dois faire ceci, aller là-bas, et ne pas oublier ceci et cela. » Trop souvent notre esprit est dans un état de suractivité, occupé à planifier, à réfléchir, à se rappeler, à anticiper, à s'inquiéter. Nous vivons donc soit dans le passé ou dans le futur, mais rarement dans le présent.

Lorsque nous méditons, nous pourrions dire ici que nous enlevons le bâton de l'aquarium. Mais pourtant nous sommes souvent étonnés de la quantité de pensées qui circulent, même quand nous sommes assis dans le calme. Au début le tourbillonnement peut même sembler empirer, car nous le regardons directement. Pourtant nous sommes plus présents, plus conscients. C'est alors que certains disent, « la méditation ça ne marche pas pour moi, je ne peux pas calmer mes pensées. »

Mais pourtant ça fonctionne comme prévu, soyons patients.

Ce tourbillonnement va ralentir graduellement et les particules de sable vont commencer à se déposer dans le fond de l'aquarium. Avec le temps et la pratique, nos pensées vont s’apaiser. Donc, si nous méditons assez longtemps le sable s'établira dans le fond de l'aquarium, et nous obtiendrons de l'eau claire. C'est alors que les gens me disent souvent : « Après certaines méditations, j'ouvre les yeux et j'ai l'impression que ma vision s'est améliorée, que les couleurs semblent plus claires, et que mon odorat soit plus vif. Mais surtout, je me sens beaucoup mieux dans mon corps et dans mon esprit. »

Lors de nos méditations nous pouvons parfois ressentir une paix profonde. Pour illustrer ceci, pensez à l'océan, dont la surface est généralement très active. Si nous descendons juste en dessous de la surface, nous percevrons toujours les mouvements qui s'y trouvent, les vagues, le clapotis de l'eau. Mais si nous descendons un peu plus dans les profondeurs de l'eau, nous ne serons plus affectés par les mouvements de surface.

De même, lorsque nous descendons profondément en nous durant notre méditation, nous nous libérons de l'activité mentale superficielle et faisons l'expérience d'un état d'esprit plus profond, calme et équilibré. Une pratique régulière de méditation nous pourvoit non seulement un sentiment d'équilibre mental et émotif, mais aussi génère la capacité de composer avec les situations plus complexes du quotidien.

Il s’agit donc aussi de prévention. Lors de situations stressantes futures nous nous serions donc préparés. Nous réagirons donc avec plus de calme ou d'équilibre.

Après avoir pratiqué pendant une certaine période, un sentiment de stabilité s'installera dans notre existence. En sanskrit, la langue des sages d’antan, on appelle cela « stithi », ce qui réfère à état d’être d'équanimité fondamentale, un équilibre qui prédomine et se stabilise. Ceci ne signifie pas que tout ira toujours à merveille, mais plutôt que nous pourrons mieux transiger avec les défis de l'existence. Nous développerons en quelque sorte un sentiment d'être devenu « Observateur ».

Nous aurons moins l'impression de monter et de descendre avec les vagues de l'océan. Notre stabilité réelle résidera profondément en nous.

Tanya : Parfois les gens se sentent frustrés parce qu'ils ont l'impression de ne pas obtenir de résultats tangibles. Il semble très difficile de ne pas juger nos méditations, de ne pas avoir d'attentes.

Lynne : En effet, nous jugeons selon les concepts que nous avons acquis et ceci est fondé sur ce que nous croyons être soit bon ou mauvais. Voilà ce qu'on nous a enseigné. Nous jugeons constamment, nous nous jugeons et nous jugeons les autres, notre travail, nos relations, notre pratique de yoga et même nos méditations. Pourtant, le méditant aura des jours où il ou elle se sentira très paisible durant la méditation. Le méditant croira que finalement la méditation porte fruit. Certaines expériences peuvent être notables, mais il faut noter qu’elles sont transitoires. Ceci peut devenir très frustrant si nous dépendons d'elles ou si nous nous attendons à les revivre à chaque période de méditation. Donc, si durant notre prochaine méditation, plutôt que de faire l'expérience de quelque chose de spécial, nous faisons l'expérience de pensées multiples, nous serons déçus. C'est alors que nous penserons : « Je ne suis pas capable de méditer! » En fait, notre objectif en méditation est de pratiquer de façon régulière, qu'importe l'expérience que nous aurons durant nos méditations. Nous n'avons qu'à simplement observer nos pensées.

Comme on le dit souvent :

« Pour méditer, vous n'avez qu'à vous asseoir et fermer les yeux. Sans juger. Adoptez une technique qui vous convient, et persévérez doucement. Le reste suivra de façon naturelle. Il s’agit d’être patients et poursuivre quotidiennement. »

Le fait de ne pas juger nos méditations est essentiel, et cette attitude plus légère, libre de jugement -ou peut-être avec moins de jugement- nous suivra même dans notre vie quotidienne. Nous serons moins exigeants envers les autres et plus patients envers nous-mêmes.

Lorsque nous méditons, nous rejoignons graduellement notre essence. Toutes formes de méditation sont fondées sur un processus bien défini, et le succès sera fondé sur une base de persévérance. Soyons assuré que rien de mal n'arrivera en méditation si nous pratiquons avec les directives d'un enseignant qualifié et si nous utilisons des techniques appropriées. Savourons donc toutes nos méditations, même si nous avons beaucoup de pensées. Laissons-les aller, en demeurant calme, objectif, inaffecté. Puis, reprenons notre technique.

Il y aura des méditations moins paisibles que d'autres, mais tout cela fait partie d'un processus de transformation graduel. Chaque méditation a sa place.

Bien entendu, la méditation mène, de façon naturelle, à la concentration. Non pas une concentration intense, tendue, mais plutôt une concentration dont l'essence est douceur.

Cette douceur va se glisser dans notre esprit, aux côtés d'une nouvelle perspective et conscience. Ayant médité pendant depuis maintes décennies, la méditation assouvie de façon naturelle ma soif de calme et d'équilibre. Chaque méditation est pourtant unique, mais il demeure toujours un sentiment fondamental de satisfaction d'avoir créé un peu plus d'équilibre aux niveaux du corps et de l'esprit. On y retrouve un équilibre énergétique graduel, cumulatif, qui va s’intégrer dans notre vie quotidienne. Ce type de concentration mène donc à l'équilibre. Et lorsqu'on en manque, ceci engendre de l'anxiété et pour le corps et pour l'esprit.

Tanya : Peut-on appeler cela une forme d'entraînement?

Lynne : Oui, bien sûr. Si l'esprit est dispersé, acceptons-le, prenons-en conscience, puis adoptons la technique que nous préférons. Il faut bien faire un peu d'effort, mais il s'agit d'un effort doux et patient. Ça signifie que nous avons reconnu qu'il s'agit d'un procédé graduel. Puis, avec le temps, une profonde transformation va s’opérer dans notre esprit. J'en ai fait l'expérience directe. Je reconnais, à chaque année, des transformations tangibles en moi; tout comme tous ceux qui méditent régulièrement. Avec le temps, ceux qui méditent deviendront bien un peu plus heureux, ils auront une plus grande légèreté d'esprit et seront généralement moins anxieux. Pas toujours, car nous sommes humains et nous apprendrons toujours je crois. Mais notre expérience de vie sera beaucoup plus élevée.

Ceci est fondé sur le résultat d'une pratique régulière. C'est un entraînement qui mène au calme et à la sagesse, graduellement. Et pourtant, l'évolution continue, et ceci rend notre pratique fascinante. Je crois que notre potentiel est illimité et je suis incrédule face à ceux qui disent avoir atteint l'ultime connaissance, ceux qui disent qu'ils ont atteint la perfection.

Je crois que l'évolution est incessante et ceci rend la vie merveilleuse, intrigante.

Nous parvenons donc ainsi à vivre avec plus de conscience. Nous pourrons ressentir nos besoins et les respecter, mais aussi ceux des autres. Un sentiment d'unité se déploie.

Quand nous méditons régulièrement, nous devenons parfois conscients d'avoir « besoin » de méditer. Lorsque notre esprit devient agité - et il le deviendra inévitablement - nous le réaliserons maintenant à temps et nous saurons comment retrouver notre équilibre. De reconnaître qu'il est temps d'arrêter nos activités pour refaire le plein est essentiel. Le problème dans notre société c'est que les gens ne savent habituellement pas quand s'arrêter. Leur style de vie est très actif, à un point tel qu'ils ne réalisent pas qu'ils ont besoin de repos, à moins qu'il ne soit trop tard et qu'ils soient épuisés. Être assez conscient pour savoir quand s'arrêter, pour prendre quelques respirations profondes et prendre quelques minutes en méditation pourrait prévenir plusieurs conséquences négatives, comme la fatigue ou l'épuisement.

Tanya : Est-ce une des raisons pour laquelle les gens ne dorment pas bien? Parce que l'agitation de la journée continue dans la nuit et qu'ils ne peuvent plus l'arrêter?

Lynne : Ceux qui méditent régulièrement dorment habituellement très bien. Une pratique de méditation quotidienne de 15 à 20 minutes suffira au début. Et ils sauront quand prendre un peu de répits durant la journée, quand prendre quelques minutes de méditation lorsqu'ils en ont besoin. Ceci est un outil inestimable pour prévenir l'anxiété. Les méditants ont appris à établir des priorités. Ils saisissent la valeur d'un esprit paisible et comprennent que prendre le temps nécessaire pour atteindre cela n'est pas égoïste, car éventuellement tout le monde en profitera. Un esprit agité peut produire de la discorde et mener à un amas de difficultés comme entre autres des problèmes interrelationnels, ou de l'insomnie. Par contre un esprit stable génère un état d'équilibre et de paix. J’aime bien dire que la méditation nous procure la quintessence de l’équilibre énergétique. Ceci aura des bienfaits et dans le corps, et dans l’esprit.

Les étapes suivantes aident à atteindre un état d'esprit stable :

    1. Une pratique quotidienne de méditation
      2. Comprendre le fonctionnement de l'esprit et son mécanisme, avec l’aide d’un guide
      3. L'étude de systèmes philosophiques fondés sur la méditation

Pour méditer il faut bien une certaine discipline entourée de patience. Les changements - toutes formes de changements d'ailleurs - s'opèrent habituellement de façon progressive.Mais on retrouve ici un effet cumulatif; chaque méditation compte, même celles qu'on ne croit pas utiles. Il faut simplement persévérer. Éventuellement, on remarque avoir fait de grands pas, qu'un nouveau paradigme est atteint. On ressent une force intérieure.

L'hypnothérapie peut d'ailleurs fonctionner de façon exceptionnelle, c’est une modalité parallèle à notre pratique de méditation. L'hypnose aide à obtenir des objectifs concrets, de façon relativement plus rapide. La méditation est une pratique quotidienne dont les effets sont cumulatifs, plus graduels. Il s’agit d’un projet à long terme. Ces deux modalités fonctionnent très bien ensemble. La guidance d’une personne qualifiée, soit en méditation ou en hypnose est d’une très grande valeur.

En chacun de nous réside un vaste potentiel, souvent méconnu. Je suis convaincu que la plupart des individus ne saisissent pas pleinement l’étendue de leur capacité à évoluer, et ceci de manière illimitée. Ce potentiel, s’il est exploré, peut conduire à la découverte de l’équilibre, de l’amour et du respect envers soi-même, d’apprendre à discerner avec sagesse.